Rémy COURAGE
Rémy Courage est un artiste contemporain, qui, en affirmant que le contexte devrait être inséparable de la réflexion, afin d’en élargir le champ et d’éviter la pensée unique, se positionne à contrecourant de la mouvance actuelle de l’art contemporain (il faut entendre par « mouvance », l’autorité et non le caractère de ce qui est changeant, instable)… C'est-à-dire qu’il refuse l’interprétation, dominatrice dans l’art contemporain, faite du geste de Duchamp selon laquelle il faut donner à voir les choses extirpées de leur contexte initial pour les analyser dans le cadre de l’art (actuellement, tout est « décontextualisé » : les graffitis… les journaux intimes… jusqu’au désespoir même !).Son oeuvre, difficilement "classable"(c'est à dire que, comme pour Picabia par exemple, les critiques ont du mal à trouver une terminaison rassurante en "isme" ), réintègre et impose avec justesse l’affectivité face à la « petite » réflexion. Spinoza évoque, à ce sujet, un « ordre génial », que l’on ne maîtrise pas (l’exemple le plus éloquent étant l’harmonie musicale), en opposition à l’« ordre géométrique », qui est lui, prédéfini.
D’une manière générale, la peinture de Rémy Courage se réfère à l’homme, à son intervention sur la nature et, par conséquent, sur lui-même en considérant que l’homme fait partie de la nature.
Ainsi, la série « les foules », à travers de nombreux dessins dotés d’ une impeccable vision du trait dans l’espace, témoigne d’un amour pour l’humanité toute entière et pour le mouvement solidaire que l'on retrouve également dans la série des « bassines » ; objet fabriqué par l’homme, c’est important, dont la forme évoque le rassemblement mais aussi l’ouverture et le savoir (c’est un contenant).
Le sujet traité n’est jamais voulu directement, mais plutôt subit indirectement par les préoccupations de l’artiste dans son contexte social en allant puiser dans l’abstraction l’énergie nécessaire à sa présentation picturale…
Cela lui permet de ne pas être dans le cadre de la représentation et d’atteindre l’essence même du sujet…
La forme du lampadaire apparue dans la série « énergies renouvelées » renvoi peut être à la solitude d’un monde ou les êtres sont volontairement mis à distance les uns des autres dans une course effrénée au verbe avoir… On y retrouve un travail sur la lumière que Rémy Courage fait jaillir comme un vomissement sur la toile, sorte de pollution lumineuse ésotérique…Des titres aux allures poétiques sont attribués à cette série : « Lampadaire vomissant la nuit qu’on lui reproche », « Énergie renouvelée au lampadaire fané », « Ampoule médusée », « Lampadaire bleu nuit » ou encore, « la vie est ailleurs »…
Sans jamais sombrer dans une esthétique stérilisante, Rémy Courage entretient avec une grande partie de son oeuvre un rapport physique ou il tente de faire cohabiter la peinture à l’huile et la peinture à l’eau qui par nature se repoussent mutuellement. La vitesse d’exécution et l’intensité des coups de pinceau sont deux facteurs importants dans la réussite de ce projet pour lequel, il utilise le bois comme support pouvant résister à une activité physique intense.
La générosité, mais aussi l’humour et la subtilité sont autant de superlatifs pour qualifier une peinture intemporelle et rêveuse qui va bien au-delà notre pensée… L’artiste s’est effacé devant son oeuvre.
À l’image d’Albert Camus ou de Jacques Derrida qui ont également rêvé de devenir de grands footballeurs, Rémy Courage a su conserver en lui l'art de se démarquer, tout en devenant passeur ensuite afin de laisser son oeuvre suivre son chemin…
Portrait : Guy Champailler